Qu'un sang bien pur abreuve nos salons

"Qu'un sang bien pur abreuve nos salons" dépeint le désormais célèbre détective dans une situation et une enquête inhabituelles pour lui. Plus que jamais, l'intrigue tient dans le titre. Il vous faut juste faire la différence entre le sang biologique - l'hémoglobine -  qui coule abondamment, comme il se doit dans un polar, et le sang... synonyme de filiation. Quant au vers de notre hymne national que le titre pastiche, il a aussi une signification. Car ce nouveau Langsamer flirte avec l'Histoire de France, autour de Marie-Antoinette et de sa cour. Quel rapport existe-t-il entre le sang des chevaux et celui des êtres humains ? La clé de l'énigme est entre vos mains, ce qui revient à dire... sur une des 370 pages que vous tiendrez entre vos mains. 

De retour d'un voyage à Nice, Langsamer fait la connaissance de Willoughby Snowbridge, un milliardaire anglais, dans le train de nuit qui le ramène à Paris. L'homme est un vieil original. C'est aussi un propriétaire-éleveur de pur-sang. Son champion est le favori du prochain Prix de l'Arc de triomphe. Snowbridge se sent menacé. Il requiert la protection de Langsamer mais rien ne se passe durant le voyage. Il lui raconte que sa femme, Lavinia, a monté une pièce de théâtre sur Marie-Antoinette et sa cour. La pièce met en exergue les amours adultères de la Reine avec le Suédois Fersen. Les Snowbridge font l'objet de menaces des membres d'un forum qui défend, bec et ongles, la fidélité de Marie-Antoinette. Tour à tour, les acteurs de cette pièce vont disparaître. Ce ne sont pas des comédiens ordinaires. Lavinia les a recrutés sur leur filiation ; ils sont supposés descendre des personnages qu'ils incarnent. Langsamer est appelé à la rescousse. Il s'intéresse aussi beaucoup au cheval de Snowbridge dont le lad et le vétérinaire décèdent brutalement après sa victoire dans le Prix de l'Arc de Triomphe. Et d'ailleurs, à peine les lumières de la gloire se sont-elles éteintes que le cheval est exporté comme étalon en Australie. 

Langsamer va s'installer à Chantilly avec son ami Zacharie qui l'a reçu à Nice. Zacharie est le héros de "Vingt briques pour un pantin" ; il réapparaît dans cet opus pour prêter main forte au vieux commissaire. Tous deux vont se partager le travail... ou plutôt l'enquête. Langsamer se rendra en Suisse normande, puis au Portugal, tandis que le Niçois ira interroger un héraldiste en plein coeur du pays des Bourbons. Et lorsqu'ils se retrouveront... ce sera au tour de Langsamer de disparaître !

Composé de deux parties bien distinctes, ce roman est fertile en rebondissements. En fin de seconde partie, l'intrigue vire au thriller et tient le lecteur en haleine jusqu'aux toutes dernières lignes. Une seule chose est sûre, qu'il soit pur ou nom, le sang abreuvera généreusement les 370 pages de ce polar hors normes. 

Extrait

"Langsamer se sent idiot.

Comme s'il regardait sa propre image dans un miroir, croyant y voir quelqu'un d'autre. 

C'en est presque risible. 

Arriver à son âge et se trouver devant une scène que le plus hardi de ses fantasmes n'eût jamais pu concevoir. Et, de surcroit, acteur de cette scène. Le comble...!

Acteur involonaire, peut-être, mais acteur quand même.

La honte...

Des fantasmes, le cerveau du vieux flic n'en a jamais conçu. L'ex-commissaire vit dans le concret. Il est rationnel, cartésien ; pour lui, deux et deux font quatre. Le rêve et la libido ne chatouillent guère ses synapses. C'est un mauvais client pour les psys. 

Au cours de sa longue carrière dans la police, il croyait avoir visité tous les égoûts de l'âme humaine. Au crépuscule de sa vie, le sage sait qu'il ne sait rien. Mais Langsamer n'a pas encore atteint ce degré de sagesse. D'où cette inertie béante, le pétrifiant comme un sortilège. 

Les bras lui en tombent. C'est ainsi que la langue orale décrit cet état de sidération, mais c'est une métaphore. Car - dans le monde réel, le monde présent - ses bras ne peuvent plus tomber.

Ils sont attachés ! 

Pour la première fois de sa vie adulte, Langsamer a l'air ahuri. Une rupture s'est produite dans la chaîne du raisonnement. Un maillon a sauté. Le grand scénariste de la comédie humaine, qu'il croyait être, a raté un épisode. Il pourrait se sentir humilié s'il comprenait le sens de ce verbe. Mais comme la vie ne lui a pas appris le mot "échec", ses facultés cognitives sont congelées. 

Congelé. Un attribut de circonstance dans cette pièce blanche et froide. Aux murs uniformes, glabres, lisses. 

Une porte s'ouvre. Une femme en blouse blanche se dirige vers lui. 

Peut-être va-t-elle lui expliquer....

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